Des réquisitions de renvoi en correctionnelle ont été prises par le parquet financier. L’ex-PDG Patrick de Carolis, son collaborateur Camille Pascal ainsi que le fondateur de la société Bygmalion sont visés.

Une grande figure du PAF devant les juges ? Selon nos informations, le parquet national financier a demandé le renvoi de trois anciens hauts cadres de France Télé et de la société Bygmalion — aujourd’hui placée sous liquidation judiciaire — devant le tribunal correctionnel. Patrick de Carolis et Camille Pascal, respectivement ex-PDG et ex-secrétaire général du groupe audiovisuel, pourraient comparaître pour favoritisme. Bastien Millot, ancien directeur de la communication de France TV puis fondateur de Bygmalion, pourrait quant à lui répondre de recel de ce même délit. La décision finale revient désormais au juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke.

Des contrats volontairement fractionnés ?

La genèse de l’affaire remonte à l’été 2008, lorsque Bastien Millot décide de voler de ses propres ailes pour fonder sa société de communication, laquelle sera connue par la suite pour son rôle trouble dans le financement de la seconde campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.

Dès l’automne, cet ex-employé de France TV devient un important prestataire de la maison qu’il vient de quitter. Entre 2009 et 2013, Bygmalion va en effet facturer pour 2,2 M€ de services en tous genres à France Télévisions : courriers et e-mails des téléspectateurs, veille Internet, conseil stratégique, via différents contrats. Or, malgré le montant global en jeu, la plupart de ces contrats n’ont pas fait l’objet d’un appel d’offres, comme le veut la loi au-dessus d’un certain montant. « En octroyant les marchés litigieux à Bygmalion sans mise en concurrence, Messieurs de Carolis et Pascal ont accompli, en connaissance de cause, un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires », résume le parquet dans son réquisitoire, estimant que le fractionnement des contrats était volontaire. Au cours de l’enquête, les deux principaux protagonistes du dossier se sont renvoyé la balle. Patrick de Carolis a assuré que la décision de collaborer avec l’entreprise fondée par son ex-salarié lui avait été suggérée par le secrétaire général de France TV, Camille Pascal. Une version contestée par celui-ci, qui a affirmé que le PDG en personne avait tenu à garder un lien avec son ancien subordonné, se présentant de son côté comme un simple exécutant.

Quant à Bastien Millot, il balayait tout favoritisme lié à son passage au sein du groupe audiovisuel. Tous trois mis en examen, ils se sont retrouvés lors d’une confrontation devant le juge d’instruction en mai 2014, chacun campant alors sur sa position respective. En coulisses, c’est une bagarre plus technique qui s’est jouée durant toute la durée des investigations, allant jusqu’à menacer l’enquête en elle-même. Les avocats des suspects ont en effet considéré que les délits visés ne pouvaient pas concerner France TV, car le favoritisme n’est punissable que pour des contrats de marchés publics. Or le groupe audiovisuel est soumis aux règles des marchés privés, en dépit du fait que c’est une entreprise hybride, à la fois de droit privé et détenue à 100 % par l’Etat. Un débat juridique définitivement tranché par la Cour de cassation, qui a confirmé les décisions de mises en examen prises par le juge d’instruction. Sollicités hier, les avocats de Patrick de Carolis, de Camille Pascal et de Bastien Millot n’ont pas été en mesure ou n’ont pas souhaité faire de commentaire.

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