A la Fédération française de cyclisme (FFC), consigne avait été donnée de ne pas communiquer sur le jour et l’heure de l’audience. Las ! Deux journalistes, dont un représentant du Monde, étaient bien là, mardi 11 décembre, à 11 heures, au siège de la FFC à Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), pour assister à l’audition de Christophe Bassons par le conseil fédéral d’appel de la FFC.

Il faut dire que le dossier Bassons fait un peu désordre pour la fédération. Le 20 octobre, sa commission de discipline a en effet créé la stupeur en infligeant un an de suspension de toute compétition à celui-là même qui a sacrifié sa carrière de coureur professionnel à la lutte contre le dopage. En première instance, la FFC a sanctionné Christophe Bassons, qui a repris la bicyclette – en l’occurrence le VTT – en amateur, il y a un peu plus d’un an, pour « un manquement à un contrôle antidopage », le 1er septembre, lors des championnats de France de VTT marathon à Langon, en Bretagne, loin de l’Aquitaine, région pour laquelle l’ancien coureur est correspondant antidopage depuis 2002 !

Devant les six membres du conseil, parmi lesquels les anciens présidents de la FFC, Jean Pitallier et Daniel Baal, Christophe Bassons a clamé de nouveau son innocence en rappelant dans le détail les circonstances qui l’ont amené à rater ce contrôle sans le savoir : « A 25 kilomètres de l’arrivée, j’étais en hypoglycémie, j’avais raté le dernier ravitaillement et n’avais plus rien à manger. Comme j’avais reconnu les 20 derniers kilomètres la veille, je me souvenais que ma voiture n’était pas garée loin. J’ai donc décidé d’abandonner. Je l’ai signalé aussitôt, ai pris ma douche en 5 minutes et j’ai pris la route vers 13 h 40-45, se remémore Christophe Bassons. Deux heures plus tard, j’ai reçu un appel me demandant si je pouvais me présenter dans une demi-heure pour un contrôle, mais j’étais déjà beaucoup trop loin. La communication passait très mal et la personne au bout du fil n’a jamais dû entendre ma réponse. Je me suis arrêté sur l’autoroute, ai rappelé avec mon téléphone professionnel car mon personnel n’avait plus de batterie, mais n’ai jamais pu le joindre. »

Jean Pitallier, qui officiait comme président de séance, a ensuite donné la parole à Thibault de Montbrial, l’avocat de Christophe Bassons. « Quel que soit le bout par laquelle on la prend, la sanction qui est proposée à mon client est ahurissante. Quand il m’a téléphoné, j’ai cru que c’était une plaisanterie. Si on m’avait dit qu’un jour je défendrais Christophe Bassons dans une commission de la fédération pour violation des règles antidopage, lui qui a porté la lutte antidopage à son corps défendant, qui a été la victime du comportement ignoble de Lance Armstrong… sauf que ce n’est pas drôle. »

En 1999, Christophe Bassons, alors grand espoir du cyclisme tricolore, avait dû abandonner en plein Tour de France. Ses prises de position contre le dopage et en faveur d’un renforcement des contrôles n’avaient pas plu au peloton et à son patron, Lance Armstrong, qui n’hésita pas à le menacer. Deux ans plus tard, totalement ostracisé, il était contraint de mettre un terme à sa carrière professionnelle.

A l’instar de son client, Me de Montbrial en connaît un rayon en matière d’affaires de dopage depuis qu’il a fait ses premières armes lors du procès Festina. Pour l’avocat, outre qu’elle est « ahurissante » sur le fond, la sanction prononcée par la FFC en première instance est entachée d’une double nullité sur la forme : « Le délit de carence ne peut pas être caractérisé car il n’a pas été notifié » et « l’article 8 de la FFC est en contradiction avec le code du sport. »

« LE CONSEIL VA DÉLIBÉRER DANS QUELQUES TEMPS »

L’article 8, qui est brandi par la fédération pour justifier la suspension de l’ancien coureur, précise que « même en cas d’abandon, tout concurrent est tenu de s’assurer personnellement à l’issue de l’épreuve s’il a été désigné pour subir un contrôle ». Or, dans une décision rendue en 2008, l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), relaxait un coureur qui avait été suspendu pour violation dudit article 8, rappelle Thibault de Montbrial. « Depuis quatre ou cinq ans, l’AFLD nous demande de nous appuyer uniquement sur le code du sport et non sur les règlements des fédérations pour éviter les vices de procédures », poursuit Christophe Bassons.

« Cette sanction d’un an ferme apparaît de surcroît totalement en décalage avec des jugements antérieurs rendus par la FFC ou l’AFLD, ajoute l’avocat. Qui a pris un an ? Un sportif qui, après avoir signé la convocation au contrôle antidopage, l’a jeté au pied des contrôleurs ! » La plaidoirie de l’avocat arrive à soutirer plusieurs sourires à Daniel Baal. « Christophe Basson a consacré son quotidien, dans l’anonymat, à la lutte contre le dopage, et aujourd’hui on le fusille avec la désagréable impression que c’est au nom de l’ensemble de son œuvre », conclut Thibault de Montbrial avant de demander « la relaxe » pour son client.

« Le conseil va délibérer dans quelques temps », lui répond Jean Pitallier. Il est midi. Fin de l’audition.

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