Une peine de 17 ans de réclusion a été prononcée mercredi contre l’homme qui avait foncé sur des militaires devant la mosquée de Valence en 2016, « drôle de dossier » aux allures d’attentat raté mais sans dimension terroriste officielle.
Raouf El Ayeb, 33 ans, père de famille de nationalité tunisienne, comparaissait depuis lundi devant les assises de la Drôme pour tentative de meurtres sur quatre soldats de l’opération Sentinelle, dont deux ont été légèrement blessés au final.
Un temps retenue, la qualification terroriste a été écartée au terme de l’instruction de l’affaire, survenue un an après l’attentat de Charlie Hebdo et deux mois après les attaques de novembre 2015 à Paris.
« On ne va pas mettre tout ceci sur le dos de M. El Ayeb », a dit l’avocat général lors de son réquisitoire. Mais d’ajouter que l’accusé était « déterminé par le contexte dans lequel nous nous trouvions », et de réclamer « au moins 12 ans » de réclusion. La cour est allée bien au-delà.
L’avocat des victimes, Me Thibault de Montbrial, a évoqué dans sa plaidoirie un « drôle de dossier », « qui ramène à ce qui se passe dans notre pays depuis quelques années », mais « compliqué à juger » du fait des hésitations sur sa nature, terroriste ou pas. »Charlie, le Bataclan, ce n’est pas à lui d’en subir les conséquences », a rétorqué en défense Me Philippe Tatiguian, « il doit être jugé seulement pour ce qu’il a fait ».
« Peur de mourir »
Le 1er janvier 2016, Raouf El Ayeb, au volant de sa voiture sur le parking de la mosquée, avait chargé à deux reprises les militaires en patrouille, blessant légèrement deux d’entre eux. Ils ripostaient en tirant à 41 reprises et le touchaient aux membres.
Les victimes, qui ont tourné la page de l’armée depuis, ont raconté à la barre leur « peur de mourir ». « Ça aurait pu être bien pire, ça s’est joué à très peu de choses », a renchéri leur conseil.
Discutable, pour la défense. « Sur le plan physique, c’est huit jours d’ITT pour l’un, cinq jours pour l’autre, zéro pour les autres, et avec ça on vous fait une tentative de meurtres », a dénoncé Me Tatiguian. Mais son client a lui-même semé le doute sur ses intentions.
« Je ne suis ni Tunisien, ni Français, mon seul pays c’est l’Etat islamique et la loi c’est celle d’Allah, c’est la charia », lançait-il à sa mise en examen, après avoir dit à un médecin venu l’examiner qu’il voulait « tuer les militaires ».
Selon des témoignages, il a dit une prière en arabe et prononcé « Allah Akhbar » lors des faits. De la propagande islamiste a été découverte chez lui. Et il y a quatre ans, ses avocats avaient dit à la presse qu’il « revendiquait clairement » un acte terroriste.
« Cas d’école »
La défense s’en mord les doigts aujourd’hui, Raouf El Ayeb étant revenu sur ses déclarations à plusieurs reprises.
Il explique son geste, au final, par des troubles mentaux. « J’étais en pleine panique, j’avais la rage », martèle-t-il dans le box. « La rage de quoi ? », lui demande la présidente. « La rage d’être malade, j’étais fou », répond celui qui était allé à l’hôpital, la veille des faits, pour une crise d’angoisse.
Et de nier toute volonté de tuer, quand l’avocat général voit dans « le vrombissement de la voiture et le crissement des pneus » des preuves de sa détermination. « On n’a aucune idée de la vitesse », réplique Me Tatiguian.
« Vous n’avez même pas trouvé un couteau, que des sièges pour enfants (…) Un terroriste, il fait des dégâts, il se prépare, il prend des armes, il loue un camion », enchaîne l’accusé qui a fait l’objet de plusieurs expertises psychiatriques contradictoires.
Sans remettre en cause ses troubles, l’avocat des militaires estime qu’on ne peut « cantonner ces dossiers à la folie » et évoque « un cas d’école d’acte d’inspiration islamiste ».
La défense dénonce, elle, « le procès d’un schizophrène », avec une connotation « raciste »: « il ne serait pas musulman, on n’en serait pas là », conclut Me Tatiguian en évoquant l’affaire de la mosquée de Bayonne, « où personne n’est venu dire que c’était terroriste ».