Le livreur avait été victime d’un malaise cardiaque aux abords de la tour Eiffel après avoir été plaqué au sol, casque sur la tête, par trois policiers.
Six mois après le décès de Cédric Chouviat lors d’un contrôle de police en janvier 2020, trois des quatre agents impliqués dans l’affaire ont été mis en examen pour homicide involontaire. Ces agents avaient été entendus dans le courant de la semaine dernière par le juge d’instruction chargé de l’enquête sur le décès du livreur de 42 ans en plein cœur de Paris. Une fonctionnaire de police, également convoquée par les juges d’instruction, a quant à elle été placée vendredi dernier sous le statut de témoin assisté.
Le 3 janvier, Cédric Chouviat, un père de famille travaillant comme livreur, avait été victime d’un malaise cardiaque aux abords de la tour Eiffel après avoir été plaqué au sol, casque sur la tête, par trois policiers au terme d’un contrôle routier tendu. Il aurait répété à sept reprises qu’il étouffait lors de la vingtaine de secondes de son interpellation. Transporté dans un état critique à l’hôpital, il est mort le 5 janvier des suites d’une asphyxie « avec fracture du larynx », selon les premiers éléments de l’autopsie communiqués par le parquet de Paris.
« Drame épouvantable »
Les policiers « n’ont pas entendu » la victime répéter « j’étouffe » au moment de son interpellation, ont affirmé leurs avocats le 23 juin. « Cédric Chouviat était en train de résister à son interpellation, et c’est dans la lutte qu’il a tenu ses propos, à côté d’une voie de circulation, les quais de Seine, avec des bruits environnants et les bruits de la lutte : les policiers ne les ont pas entendus », insiste maître Thibault de Montbrial, avocat de deux d’entre eux. « Lorsque les enquêteurs de l’IGPN les ont confrontés à cet enregistrement, les policiers ont tous été surpris et catastrophés, car, s’ils avaient entendu ces propos, évidemment ils se seraient aussitôt arrêtés de lutter », a poursuivi l’avocat, qualifiant la mort de Cédric Chouviat de « drame épouvantable ».
La famille de Cédric Chouviat s’est dite jeudi « soulagée » de la mise en examen des deux policiers, dans cette affaire qui incarne le débat français sur les violences policières, au côté de celle d’Adama Traoré, un jeune homme noir mort à l’été 2016 après son interpellation par des gendarmes. « Cependant, la famille » de Cédric Chouviat « considère que la qualification d’homicide involontaire n’est pas adaptée à la violence et à l’agressivité des fonctionnaires de police telle qu’elle ressort des vidéos de témoins et passants », ajoute-t-elle dans un communiqué. « Ce sont des coups volontaires qui ont entraîné la mort de Cédric Chouviat », insiste la famille.
Dans le Code pénal, l’homicide involontaire est un délit, passible du tribunal correctionnel, alors que les violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, la qualification pénale souhaitée par la famille, constituent un crime, passible de la cour d’assises. La famille, poursuit le communiqué, réitère sa demande de « suspension des fonctionnaires de police ». Quelques jours après les faits, l’ex-ministre de l’Intérieur Christophe Castaner avait estimé que les résultats d’autopsie « (soulevaient) des questions légitimes, auxquelles des réponses (devaient) être apportées en toute transparence ». « S’il y a des fautes qui sont caractérisées, nous prendrons toutes les sanctions nécessaires », avait promis le ministre. Depuis, le débat autour des violences policières a trouvé un très fort écho dans le monde à la suite de la mort, fin mai aux États-Unis, de George Floyd. En France, il a conduit Castaner à annoncer l’abandon prochain de la technique d’interpellation dite « clé d’étranglement », comme le réclame la famille Chouviat. Son successeur place Beauvau, Gérald Darmanin, n’est pas revenu sur cette annonce.