Les trois chefs de la police municipale, poursuivis pour harcèlement moral, injure publique, subornation de témoin et entrave à l’exercice du droit syndical, restent placés sous contrôle judiciaire. Mais ils ont le droit de télétravailler pendant six mois.
Les deux groupes prennent soin de s’éviter et se rassemblent chacun d’un côté. Dans la salle des pas perdus du palais de justice de Meaux comme dans la salle d’audience correctionnelle ce jeudi, les prévenus avec leurs soutiens et les parties civiles du procès des trois chefs de la police municipale de Bussy-Saint-Georges s’évitent soigneusement.
Trois mois jour pour jour après leur garde à vue au commissariat de Meaux, les patrons de la police municipale sont de retour dans la cité meldoise. Ils sont poursuivis pour harcèlement moral, injure publique en raison de l’origine, la nationalité, la race ou la religion, subornation de témoin et entrave à l’exercice du droit syndical.
Et comme attendu, conformément aux demandes de Me Thibault de Montbrial, représentant de la partie civile, l’audience a été renvoyée au 11 mars 2021. Il faudra donc attendre pour évoquer le fond d’un dossier volumineux, qui concerne notamment vingt parties civiles.
Me David Koubbi, conseil des trois prévenus, ne s’est pas opposé à cette demande de renvoi. Mais ce dernier, assisté de trois autres avocats, espérait un allègement du contrôle judiciaire de ses clients avant l’audience de l’année prochaine. Il voulait notamment que l’interdiction de paraître à Bussy disparaisse, afin que ses clients, en arrêt maladie depuis trois mois, puissent reprendre le travail.
Le maire propose qu’ils reprennent le travail… dans un autre service
A la barre, chacun des trois chefs de la police municipale a évoqué les difficultés, essentiellement financières (1100 à 1400 euros en moins par mois sur leur salaire), qui sont les leurs depuis début juillet.
« On ne cherche pas le contact avec les parties civiles, on cherche à manger », lâche le premier. « On n’a pas cherché à entrer en contact depuis trois mois. Et ça peut continuer ainsi jusqu’au 11 mars sans problème. Le tout étant de pouvoir travailler », ajoute le deuxième quand le dernier demande « à subvenir simplement aux besoins de ma famille dignement ».
Pour appuyer sa demande, Me Koubbi a évoqué une proposition du maire Yann Dubosc (LR), présent dans la salle mais qui ne souhaite toujours pas s’exprimer à ce stade.
« Il s’engage à prendre toutes les dispositions pour que les prévenus ne soient pas en contact avec leurs collègues subalternes. C’est-à-dire redéployer les trois agents sur des tâches administratives dans d’autres services et les placer en mairie centrale, qui est éloignée du poste de police municipale, décrit l’avocat. Ils ne seraient donc pas en possibilité de croiser les autres et ne seront en contact qu’avec le maire. »
« Une vraie angoisse de se croiser dans les couloirs »
Une proposition qui a soulevé les inquiétudes de Me de Montbrial : « Ce n’est pas le même lieu mais les agents de la PM n’ont pas interdiction d’aller en mairie centrale. Chez mes clients, il y a de la souffrance, de la crainte, du harcèlement moral. On parle aussi de subornation de témoin et d’entrave au droit syndical. Il y a une réelle crainte, une vraie angoisse de se croiser dans les couloirs. »
Dans ses réquisitions, la représentante du ministère public a rappelé que « les prévenus sont toujours présumés innocents », reconnu « l’impact sur les revenus de chacun », remercié la défense pour cette proposition alternative mais aussi soulevé le fait que des « contacts inopportuns pourraient avoir lieu et que ça mettrait en échec l’interdiction d’entrer en contact qui est essentielle. Est-ce qu’on peut penser qu’en travaillant à la mairie, ils n’auront pas de contact avec les autres ? Je pense que non. Je ne demande pas au tribunal de les interdire de travailler mais de les interdire d’aller à Bussy. La solution proposée est intéressante, mais pourquoi pas autre chose comme du télétravail. »
Après en avoir délibéré, le tribunal a maintenu le contrôle judiciaire des trois prévenus à l’identique, c’est-à-dire l’interdiction d’entrer en contact avec les parties civiles et de paraître à Bussy. « Le proposition de la mairie peut s’effectuer sous la forme du télétravail », a toutefois annoncé le tribunal.