La justice a condamné les principales accusées du procès dit «des bonbonnes» à 30 et 25 années de prison.

Après le procès Merah, celui de l’attentat raté à la voiture piégée près de Notre-Dame et de l’attaque au couteau de policiers dans l’Essonne était le premier grand procès terroriste faisant suite aux années sanglantes 2015 et 2016, comme l’a rappelé dans sa plaidoirie Me Thibault de Montbrial, avocat des parties civiles.

À l’issue de seize jours d’audience et d’un délibéré de plus de dix heures, la cour d’assises spéciale de Paris a annoncé son verdict ce lundi 14 octobre dans la salle Voltaire de l’ancien Palais de justice de Paris. Les peines infligées sont dans la plupart des cas quasi identiques aux peines réclamées par le parquet national anti-terroriste.

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Rachid Kassim est ainsi condamné à la perpétuité, Inès Madani à trente années de prison, Ornella Gilligmann à vingt-cinq ans de prison, Sarah Hervouët et Amel Sakaou à vingt ans d’emprisonnement, Samia Chalel à cinq ans de prison dont un avec sursis, Mohamed Lamine Aberouz à trois ans d’emprisonnement et Selima Aboudi à trois ans de prison avec sursis.

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À la sortie de la salle d’audience, Me Laurent Pasquet Marinacce, le conseil d’Inès Madani, a indiqué que «la question d’un appel se posait» après la lourde peine infligée à sa cliente. L’avocat d’Ornella Gilligmann s’est montré plus circonspect. «Si elle fait appel, elle risque de nouveau la perpétuité», a glissé Me Xavier Nogueras

Deux accusées irréconciliables

Pendant le procès, Inès Madani et Ornella Gilligmann, considérées comme les deux principales accusées, ont soigneusement évité de se regarder. Il faut remonter trois ans en arrière pour comprendre l’histoire de la rencontre entre les deux femmes, digne d’un roman à l’eau de rose avec un parfum d’islam radical.

Pendant plusieurs mois, Inès Madani se fait passer auprès d’Ornella Gilligmann – ainsi que de plusieurs autres femmes – pour un djihadiste de retour en Syrie. Entre badinage et radicalité, Madani se pose en héros de l’Islam et Gilligmann entre dans la surenchère pour plaire à son fiancé virtuel : c’est «à qui sera le meilleur djihadiste».

Une fois les masques tombés, chacune accuse l’autre de l’avoir entraînée dans l’affaire de l’attentat raté à la voiture piégée aux bonbonnes de gaz. Au cours de l’audience, chacune d’elles a déroulé sa version des faits, en opposition frontale avec l’autre. «C’est ma vérité, elle a sa vérité», résumait Inès Madani.

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Inès Madani soutenait qu’Ornella Gilligmann avait tout manigancé. De son côté, Ornella Gilligmann affirmait avoir été prise au piège par Inès Madani, mais avoir réussi à déjouer in extremis la tentative d’attentat… Alors, qui croire ? «Ni l’une, ni l’autre», concluait à la barre le célèbre psychiatre Daniel Zagury.

Aberouz, «le plus dangereux du box»

Comme Inès Madani et Ornella Gilligmann, Sarah Hervouët encourait la prison à perpétuité. Le ministère public avait réclamé vingt ans de prison à son encontre. La cour d’assises spéciale a suivi ces réquisitions en condamnant la jeune femme à vingt années d’emprisonnement.

La native de Lisieux, successivement promise de plusieurs islamistes, était accusée d’avoir envisagé de prendre en otage puis de tuer le maire de sa ville de Cogolin (Var), puis quelques jours plus tard, d’avoir porté un coup de couteau à un policier en civil à Boussy-Saint-Antoine. Ce qu’elle a toujours reconnu.

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Samia Chalel était quant à elle accusée d’avoir créé un compte Facebook au faux «Abou Junayd», d’avoir joué les intermédiaires entre Rachid Kassim et Inès Madani, et surtout d’avoir participé de manière «déterminante» à la réunion de Sarah Hervouët, Inès Madani et Amel Sakaou à Boussy-Saint-Antoine.

La jeune femme de 26 ans a été condamnée ce lundi à cinq ans de prison dont un avec sursis pour «association de malfaiteurs terroriste criminelle». Jeudi dernier, l’avocat général avait réclamé dix ans de prison à son encontre.

Deux accusés encouraient une peine bien plus légère que les autres : Selima Aboudi et Mohamed Lamine Aberouz, poursuivis pour non dénonciation de crime terroriste. La première, seule à comparaître libre, a écopé de trois ans de prison avec sursis. Les juges ont eu la main beaucoup plus lourde pour le deuxième, condamnant ce dernier à trois ans d’emprisonnement.

«C’est le plus dangereux du box», avait affirmé l’avocate générale en parlant de cet homme également mis en cause dans le dossier de l’attentat de Magnanville, et en détention provisoire à ce titre. «Je ne suis pas cette personne dangereuse que vous avez présentée», avait répliqué Mohamed Lamine Aberouz lors de ses derniers mots.

Deux grands absents

Deux ombres ont par ailleurs plané sur le procès. D’abord celle de Rachid Kassim, le «grand absent», celui «sans lequel rien ne serait sûrement produit», selon les avocats généraux. Ce djihadiste franco-algérien est considéré comme le commanditaire des attentats de septembre 2016.

En contact avec au moins cinq des accusées – Madani, Gilligmann, Hervouët, Sakaou, Chalel – il a incité les femmes radicalisées à commettre des attentats en France, inspiré à Madani et Gilligmann la méthode de la voiture piégée, guidé les accusées dans la double séquence criminelle et recueilli leurs vidéos d’allégeance.

Rachid Kassim a été déclaré mort par les Américains après une frappe de drone à Mossoul (Irak) en février 2017. Mais sans preuve de son décès, la justice française l’a tout de même jugé en son absence et l’a condamné à perpétuité, comme l’avait réclamé le ministère public.

Autre absente au procès : Amel Sakaou. Poursuivie pour «association de malfaiteurs terroriste criminelle» et «complicité de tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste», la quadragénaire a systématiquement refusé de comparaître devant la cour d’assises spéciale.

Une attitude qui a poussé les représentants du parquet national anti-terroriste à réclamer vingt ans de prison à son encontre. «Si Amel Sakaou était venue s’expliquer face à la justice, la peine requise aurait été inférieure. On ne peut pas ne pas prendre en compte ce positionnement», a affirmé l’avocate générale dans son réquisitoire.

Ce lundi, toujours en son absence, celle qui avait hébergé Inès Madani et Sarah Hervouët dans son appartement de Boussy-Saint-Antoine a finalement été condamnée à vingt ans de réclusion criminelle, malgré l’appel de son avocate commise d’office à ne pas sanctionner son refus d’assister au procès.

Source : Le Figaro