Au lendemain d’un rassemblement de policiers au Trocadéro et avant l’hommage officiel qui sera rendu la semaine prochaine par la mairie de Paris, une autre manifestation est organisée samedi 22 avril sur le Champ de Mars, près de la Tour Eiffel, en hommage à Xavier Jugele, policier de 37 ans assassiné jeudi soir sur les Champs-Elysées.
Invité sur fraceinfo, Thibault de Montbrial, avocat et président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure, s’est interrogé sur l’absence de « mesure d’assignation à résidence prise à l’encontre » de Karim Cheurfi, l’auteur de l’attaque. « S’il avait été fiché S, il aurait été vraisemblablement assigné à résidence », a-t-il avancé. Tout cela montre, selon Thibault de Montbrial, qu’« il peut y avoir des individus extrêmement dangereux qui ne sont pas fichés S et c’est ce qui augmente encore l’inquiétude ».
franceinfo : Karim Cheurfi avait été placé en garde à vue en février sur la base de renseignements selon lesquels il projetait de s’en prendre à des membres des forces de l’ordre, mais relâché faute de preuves. Y a-t-il eu, selon vous, des manquements dans son suivi ?
Thibault de Montbrial : La première question que l’on peut se poser, c’est de savoir pourquoi dans le cadre de l’état d’urgence il n’y a pas eu de mesure d’assignation à résidence. Si les éléments de renseignement sont suffisants pour inquiéter, l’état d’urgence permet cette assignation à résidence.
Quand il y a des éléments qui permettent de penser qu’il veut s’en prendre à des policiers, et qu’il l’a déjà fait en 2001, c’est vrai qu’on aurait pu prendre des précautions supplémentaires.
– Thibault de Montbrialà franceinfo
Par ailleurs, d’après les informations fournies par le procureur, cet individu était sous contrôle judiciaire et il a violé les conditions de ce contrôle judiciaire en se rendant en Algérie. Quand il est rentré en France, il n’a pas été placé en détention, alors que c’est une possibilité qui s’offre aux juges quand on ne respecte pas un contrôle judiciaire.
Karim Cheurfi n’était pas fiché S. S’il l’avait été, cela aurait-il changé quelque chose ?
S’il avait été fiché S, il aurait été vraisemblablement assigné à résidence. Je pense que c’est ça qui a fait la différence. Le fait qu’il n’était pas fiché S et que pourtant il ait commis cet attentat montre que la fiche S, qui est un outil d’évaluation, n’est pas un outil parfait, mais dans les deux sens. Il peut y avoir des individus extrêmement dangereux qui ne sont pas fichés S et c’est ce qui augmente encore l’inquiétude. Je pense que la fiche S est un élément qui a été repris par les médias et les politiques comme quelque chose qui peut être facilement expliqué au public alors que c’est quelque chose de complexe. Il y a eu une simplification autour de cette question. On a fait croire aux gens que fiche S = terroriste potentiel et que s’il n’y a pas de fiche S tout va bien, alors qu’il faut beaucoup affiner. C’est parfois dommage que les non spécialistes déforment le trait.
Les policiers et les gendarmes qui sont déployés dans le cadre de Vigipirate deviennent-ils des cibles, car de plus en plus visibles ?
En même temps, il faut bien protéger les lieux sensibles et la population. En cas d’attaque terroriste par des armes à feu, c’est la rapidité de la riposte par le feu qui va limiter le nombre de victimes. Il faut qu’il y ait un pré-positionnement de gens armés. La question peut se poser s’il faut que ce soit des unités visibles en uniforme ou s’il ne faut pas réfléchir à des unités qui seraient en civil et qui seraient moins visibles. Il y a des pays, comme Israël, qui ont fait ce choix et il y aura une réflexion à mener sur l’opération Sentinelle. En Allemagne, aucun militaire ne patrouille. Aux États-Unis, il y en a qui patrouillent dans certains aéroports, mais ils n’ont pas de fusils. Je pense que l’un des enjeux en terme de sécurité intérieure, c’est la réorganisation de la protection des lieux publics. Et je pense qu’il faudra changer le modèle.