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Huit mois de prison avec sursis ont été prononcés jeudi contre un policier de la CSI 75 pour des violences commises contre deux frères, Gilets jaunes, lors de l’acte 15 au mois de février 2019, place du Trocadéro.
Un procès emblématique. C’est en ces termes que magistrats et avocats ont qualifié, ce jeudi, l’audience qui se tenait devant la 10e chambre du tribunal judiciaire de Paris.
Le procès des violences policières, de plus en plus souvent portées sur le devant de la scène par les réseaux sociaux, filmées par les téléphones portables.
C’est le troisième policier condamné pour des violences envers les Gilets jaunes
Au premier plan, sur le banc des prévenus, Alexis, 29 ans, jeune policier très bien noté, affecté à la CSI 75, la Compagnie de sécurisation et d’intervention de Paris. Il a été condamné jeudi soir à huit mois de prison avec sursis pour violences volontaires et illégitimes, conformément aux réquisitions du parquet.
Il est le troisième policier à comparaître devant la justice pour des violences à l’encontre des Gilets jaunes. En décembre, deux CRS avaient été les premiers policiers condamnés en France pour des violences lors d’un rassemblement des Gilets jaunes, le 1er mai à Paris.
Des enregistrements vidéo diffusés
Face à lui, Manuel et Domingos, deux frères, Gilets jaunes, violemment frappés par le fonctionnaire, lors du terrible acte XV du mouvement social, au cours de l’hiver 2019.
Et, sur l’écran de la salle d’audience, des enregistrements vidéo, ceux-là mêmes qui étaient devenus viraux sur les réseaux sociaux, qui témoignent de l’authenticité de la scène. Ce sont aussi ces images qui ont permis d’enclencher une enquête de l’IGPN, la police des polices.
Ce 23 février, place du Trocadéro (XVIe), on voit distinctement les deux frères encerclés par une trentaine de policiers, qui veulent les interpeller parce qu’ils sont suspectés d’avoir agressé des policiers lors d’un mouvement de foule, trois heures plus tôt, sur le pont Royal.
«C’était violent. On avait marché près de 20 km sous les jets pierres, de bouteilles»
Manuel est menotté, plaqué au sol et soudain surgit Alexis : il envoie un violent coup de pied à la tête du manifestant. Puis, quelques secondes plus tard, c’est Domingos, pourtant déjà encadré par les forces de l’ordre, qui reçoit un coup de bâton de défense en plein visage. Bilan : 7 et 5 jours d’ITT.
« Pourquoi ces gestes ? Vous n’étiez pas menacé… » Remarque l’une des juges à l’adresse du policier. Figé derrière la barre, le fonctionnaire, décrit par son avocat, Me Louis Cailliez, comme « un homme dévasté », se dit « honteux » : « Lorsque j’ai vu ces images de moi, vêtu de mon uniforme, frapper comme je l’ai fait… C’était affreux. Mais j’étais très fatigué. C’était violent, l’acte 15 était le pire. On avait marché près de 20 km sous les jets pierres, de bouteilles. On a même reçu des bocaux remplis d’excréments ». « Mais, ajoute-il pour sa défense : si j’ai repoussé Domingos avec mon bâton, c’est qu’il m’a menacé d’un coup de boule lorsqu’il a vu que j’avais frappé son frère ».
Des gestes «sans aucun justificatif»
En face, les plaignants l’affirment : « Nous n’avons exercé aucune résistance ». « D’ailleurs, soutient Domingos, comment aurais-je pu le frapper alors que j’étais encadré par deux policiers qui me tenaient ? » « Ce sont des violences illégitimes, tranche, pour sa part, la substitut du procureur, et ces gestes sans aucun justificatif érodent la confiance du public dans l’institution ». Elle n’a, toutefois, pas demandé d’interdiction d’exercer sa profession.