Six mois avant son éviction du JT de TF1, Patrick Poivre d’Arvor fut vertement critiqué dans un livre anonyme, Madame, Monsieur, bonsoir. Le présentateur attaqua le brûlot pour « atteinte à la vie privée », mais en vain…
En décembre 2007 paraît un brûlot intitulé Madame, Monsieur, bonsoir… les dessous du premier JT de France. Ses auteurs sont cinq journalistes anonymes de la Une utilisant le pseudonyme de Patrick Le Bel.
L’ouvrage égratigne en particulier Patrick Poivre d’Arvor, qui serait surnommé Néron par « toute la rédaction », « condescendant », « tyrannique », « irascible », avec des colères « destructrices, blessantes ». On y lit que PPDA « n’a plus tellement besoin de sortir de l’argent de sa poche… Il adore voyager et croule sous les invitations de presse: week-end de ski à Val d’Isère, inauguration d’un nouveau Sofitel à Essaouira, il accepte les sollicitations les plus diverses. Et toutes les boîtes de com le savent. »
Secret de polichinelle
Furieux, PPDA attaque l’ouvrage pour « atteinte à la vie privée », réclamant 100.000 euros de dommages. Dans sa plainte, il reproche au livre de le « tourner en dérision », avec une « ironie déplacée ». Mais aussi de « s’immiscer dans une relation familiale ».
En effet, le présentateur attaque un passage du livre concernant le fils qu’il a eu en 1995 avec Claire Chazal, François. Lors de la naissance du garçon, la mère cacha l’identité du père. Mais finalement, en 2005, PPDA reconnaîtra officiellement cette paternité dans son livre Confessions. Pourtant, trois ans plus tard, en 2008, PPDA attaque donc ce passage du livre:
« A l’extérieur, Patrick laissait planer le doute sur sa paternité, une vie sans mystère n’est pas un roman. […] François fit ses premiers pas dans les longs couloirs de la rédaction. Une après-midi, à force d’application, il réussit à relier avec ses petites voitures les bureaux de papa et maman (environ 30 mètres les séparent). ‘A ton avis, c’est qui le père ?’, glisse amusé, un confrère, tout en évitant de marcher sur le circuit. […] On revit souvent le petit; il ressemblait de plus en plus à son père. Lequel, tout en continuant à entretenir le mystère dans la presse people, semblait s’y intéresser un peu plus. Le temps d’un dessin animé, par exemple, en avant première dans la salle de projection de TF1. […] L’enfant et son père s’installent seuls à une rangée.
Alors que Claire s’attachait à protéger son fils d’un statut peu ordinaire, lui s’exhibait avec François lors d’une manifestation sportive, confiant son bonheur d’être papa »
Les juges ne sont pas convaincus d’une quelconque atteinte à la vie privée. Pour eux, le livre évoque seulement:
« les réactions suscitées, à l’intérieur de la rédaction, par le comportement public de Patrick Poivre d’Arvor à l’égard de son fils, comportement donné à observer dans un contexte purement professionnel à ses collègues. Ses collègues peuvent en conséquence commenter librement une situation que l’intéressé a volontairement fait sortir de sa vie privée, laquelle est –par définition même- étrangère aux relations de travail. En conséquence, le passage est loin de procéder à une analyse intrusive des relations entre un père et son fils ».
Icône ménagère
De manière encore plus surprenante, PPDA attaque aussi un autre passage sur son retour de vacances d’été:
« Un peu de remise en forme, plus discrètement. Les implants par exemple. Les vacances sont le moment idéal ; observez bien : à chaque retour le crâne est plus fourni, le front plus lisse. Il a l’air plus jeune. […] C’est un sujet de conversation récurrent lors de sa première conférence de rédaction, fin août: ‘Regarde son front, il n’a pas fait toutes les rides, ça fait plus naturel’; ‘Pipelette prétend que le toubib attend toujours d’être réglé… c’est un copain chirurgien esthétique qui le lui a dit’
Mais, là encore, l’icône ménagère se fait débouter par les juges. Pour eux,
« le sujet central de ce passage n’est pas les éventuelles opérations de chirurgies esthétique, lesquelles peuvent être librement commentées s’agissant d’une personne apparaissant quotidiennement à l’écran devant des millions de téléspectateurs, mais bien les commentaires que ces opérations suscitent au sein de la rédaction ».
En décembre 2008, le tribunal de grande instance de Paris condamne donc PPDA à rembourser à l’éditeur 2000 euros de frais de justice. Entre temps, il a été évincé du JT de 20 heures en juin 2008. Il oubliera vite ce brûlot écrit par ses collègues. Dix ans plus tard, sur le divan de Marc-Olivier Fogiel, il assurera: « Au moment de mon éviction, tout allait très très bien: les audiences étaient magnifiques, très bonne ambiance avec la rédaction… »